En novembre 1984, le PIF n'était constitué que de 3 chaînes de télévision (publiques), de 3 stations de radio généralistes nationales et d'une presse écrite (quotidienne nationale, régionale et magazine) plus variée mais sans être, pour autant, exhaustive. Ces supports imposaient traditionnellement la fréquence de la diffusion de l'information (horaire pour la radio, bi-quotidienne pour la télévision et quotidienne - sauf le samedi et dimanche à part le JDD - et hebdomadaire pour la presse écrite) ainsi que les formats. Les consulteurs ne pouvaient que suivre le rythme imposé par ces 3 types de supports.
¼ de siècle plus tard, le traitement de l'information, sa fabrication et son mode de consultation, très figés, ont été totalement bouleversés.
Tout a commencé avec la modernisation technologique et l'informatisation des rédactions (consultation des dépêches, traitement de texte et allègement des matériels de fabrication et de diffusion audiovisuels, réseaux téléphoniques) qui vont permettre de faciliter et d'optimiser le travail des journalistes sur le terrain, de transmettre plus vite et de traiter leur matière première et d'optimiser ainsi l'édition et la diffusion.
Parallèlement le paysage audiovisuel ouvre ses frontières: en novembre 1984 est lancée Canal +, la première chaîne de télévision privée à péage. En 1986 sont créées deux chaînes de télévision hertziennes privées (La CINQ et TV6) et les premiers réseaux câblés de télévision permettent de recevoir une offre élargie (chaînes étrangères). En 1987, TF1 est privatisée au profit du groupe Bouygues. En 1988, la bande FM explose et Radio-France lance France-Info , première station de radio à proposer de l'information permanente. En 1989, les abonnés au câble (et donc les journalistes français) peuvent suivre en direct la chute du mur de Berlin sur CNN. En 1992, le groupe Canal+ lance Canal-Satellite. En 1994, le groupe TF1 lance LCI, première chaîne française d'information permanente. En 2005, l'offre TNT est une étape capitale pour l'accès gratuit à réception numérique qui remplacera totalement la diffusion analogique d'ici 2011 et la radio va proposer sa diffusion numérique terrestre (T-DMB) dès 2009. Une multitude de services connexes de consultation délinéarisée de programmes audio-visuels se sont multipliés grâce aux technologies numériques (VOD - Catch up TV pour la télévision et podcast audio pour la radio). Sans oublier les plateformes de vidéo communautaires comme YouTube ou DailyMotion. Enfin en 2010 (en principe !), la TMP (Télévision Mobile personnelle) permettra de recevoir et de consulter des programmes audiovisuels en situation de mobilité avec une qualité de réception optimisée pour ces formats d'écrans mobiles.
La révolution informatique accompagne ce bouleversement et contribue à faire évoluer la fabrication et, surtout, la consultation de l'information. Dès 1984, la télématique (Minitel) propose la première offre payante de consultation de l'information délinéarisée (possibilité d'accéder à des contenus spécifiques à tout moment, à plusieurs endroits et au choix du consulteur). 10 ans plus tard, en 1994, les premiers réseaux d'accès à Internet sont accessibles au grand public. En 1999, le haut débit explose avec l'avènement de l'ADSL et à partir de 2000, le développement du WIFI , lié à l'explosion des ventes d'ordinateurs portables offre une opportunité de mobilité considérable aux internautes sans oublier les outils de stockage numériques (CD, DVD, disques durs, clés USB, MP3...) qui permettent d'archiver des contenus audiovisuels mais, surtout, dans le cas de l'information, la consultation en différé et de manière séquentielle (non plus en intégralité sans interruption) et sans altérer la qualité des documents. Des possibilités que la distribution par fibre optique, en cours de développement, va optimiser considérablement dans les années à venir.
La téléphonie a suivi ce mouvement technologique en adaptant son offre progressivement. A partir de 1985, la transformation du signal analogique vers le numérique (RNIS) pour les entreprises et les particuliers ouvre un marché très important à France-Télécom puis à d'autres opérateurs qui proposent, entre-autres, de nouvelles offres de services d'information (audiotel). Mais la vraie révolution dans ce domaine c'est la téléphonie mobile, le téléphone portable, qui fait son apparition en 1993 avec la timide initiative du BiBop vite supplanté par les avantages des normes GSM puis GPRS, UMTS et bientôt WIMAX. C'est dans ce domaine que les technologies numériques se sont le plus adaptées et, désormais, les téléphones potables sont utilisés comme de véritables mini-ordinateurs multifonctionnels, capables d'émettre, de recevoir, de permettre la consultation et de stocker tous types de données. Enfin, la géolocalisation, initiée à partir de 2000 avec le système GPS qui permet de localiser un récepteur en mouvement et de lui transmettre (vecteur unidirectionnel) des données par satellite.
La presse écrite n'a été concernée par cette révolution numérique que dans les domaines de la fabrication, l'édition et la diffusion mais la « solidité » du support papier et sa pérennité n'ont pas vraiment fait évoluer son mode de consultation (les tentatives de e-journal n'ont pas encore convaincu). En revanche c'est dans la forme des contenus de la presse écrite et sa diffusion que l'évolution a été la plus importante. La couleur et l'illustration ont pris de plus en plus de place au détriment du texte et les formats se sont peu à peu réduits (seule l'Equipe est encore au format Broadsheet mais réfléchit au passage au format Berlinois ou Tabloïd) et la fréquence de diffusion a été élargie au samedi, et au dimanche pour certains titres. L'avènement du WEB et le développement du Haut Débit à partir de 2000 ont permis la consultation et l'archivage de contenus de presse écrite sur internet. L'autre révolution s'est produite en 2002 avec l'apparition en France des deux premiers quotidiens gratuits d'information générale: 20 Minutes et Metro qui sont désormais les deux journaux quotidiens les plus distribués, les plus lus et qui proposent une offre éditoriale innovante, très synthétique et factuelle.
Les Consulteurs (Téléspectateurs, lecteurs, auditeurs, internautes, mobilautes...)
De consommateurs tri-médias (Presse écrite, radio et télévision) passifs et contraints, sans beaucoup de choix au début des années 80, les consulteurs d'information (homo numericus) sont devenus, au gré de l'évolution technologique des supports de diffusion et des déréglementations (libéralisation) législatives, les acteurs (dans le sens participants actifs) clés d'un marché dont ils déterminent désormais les modes de consultation.
Alors qu'on leur imposaient trois supports pour consulter l'information il y a 25 ans, ils se voient offerts désormais la possibilité d'avoir accès au double et, dans chacune de ces technologies, d'avoir le choix en une multitude d'offres (accès et contenus) adaptées à leurs besoins, leurs envies et leurs aspirations et, surtout, avec des modes de consultation délinéarisés (plus difficilement imposables) qu'ils adoptent en fonction de leurs modes de vie. 25 ans pour passer d'un menu fixe à 3 plats qui n'était consommable que 2 ou 3 fois par jour, de manière unique, à une carte à plusieurs centaines de plats disponibles n'importe où, 24h/24h et avec la possibilité illimitée de se resservir à volonté sans délais. Schématiquement on dira que les tranches de population les plus âgées et les plus modestes économiquement consomment peu de médias différents mais sur des durées assez longues alors que les générations plus jeunes et les populations à haut pouvoir d'achat (CSP ++) consultent beaucoup de supports différents, sur des périodes courtes, aléatoires (différé et téléchargement) et souvent simultanément. On se rend compte que les opérateurs et diffuseurs d'information qui, grâce aux nouvelles technologies, imposaient des modes de consultation, certes de plus en plus variés et séduisants, sont désormais contraints de s'adapter en permanence aux choix des consulteurs et de satisfaire leur appétit et leurs exigences qui augmentent avec l'évolution des technologies et l'attrait consumériste qu'ils suscitent. Le degré ultime (jusqu'à...demain ?) de la communication globale ayant été atteint avec la notion de journalisme participatif qui permet à des consulteurs de plus en plus nombreux de commenter l'actualité, de faire connaître leurs opinions et de transmettre des informations (brutes ou raffinées). C’est notamment le cas des réseaux sociaux qui permettent désormais à des communautés d’affinités d’échanger informations, contenus et opinions mais qui s’avère être des outils marketing performants (et donc sensibles) pour les opérateurs. Une démocratisation salutaire mais qui pose de réelles questions déontologiques qui vont nécessiter la mise en place de procédures filtrantes de sélection, vérification et modération des sources et de diffusion. Comme quoi, et c'est tant mieux, l'humain, le subjectif, l'aléatoire, la pensée, la réflexion et l'humeur sont toujours plus déterminants que la technique, la science et le marketing.